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Les élections tunisiennes. Le vieux régime revient à travers des urnes

by sur 18 janvier 2015

Par Layla Nassar

Les élections présidentielles du 21 décembre à la Tunisie ont fermé un cycle : les représentants du régime de Ben Ali, démoli avec la révolution de 2011 sont revenus au pouvoir politique. Si à la Syrie ou l’Égypte la contre-révolution a été teinte de sang, à la Tunisie elle l’a fait sous une démocratie formelle. À 88 ans, Béji Caïd Esebsi, ministre de l’intérieur de Habib Bourghiba (le dictateur cultivé de l’indépendance et le président du Parlement sous Ben Ali est maintenant le président de Tunis).

Il a commandé Habib Esid, chef de cabinet du Ministère de l’Intérieur et de Ministre de l’Environnement sous la dictature, la formation de gouvernement.

Comment on peut expliquer que le pays, qui a allumé la mèche du changement dans le monde arabe en janvier 2011 avec une levée imprévisible populaire, vote pour le retour du vieux régime seul trois ans après ? La marge a été ample : 55 % pour Esebsi, candidat de Nidah Tunisie, par 45 % pour l’ex-président et un activiste des droits de l’homme humains châtie par le régime, Moncef Marzouki.

La première réponse il faut la chercher dans l’abstention : les jeunes et les pauvres, qui ne se sentaient pas représentés par aucune des options politiques, sont restés chez eux. Sidi Bouzid, berceau de la révolution, et les régions du sud ont été les plus d’abstentionnistes. Et aux pauvres il leur reste à recommencer à baisser la tête et aux jeunes le patera ou la promesse du paradis en faisant la djihad en Syrie.

Une fois on abandonné l’impulsion et le projet révolutionnaire (« un pain, un travail et une dignité »), la crise économique, l’expérience désastreuse dans le pouvoir de islamistes d’Ennahda (qui ont été resté seuls après le coup à l’Égypte contre le gouvernement de Mohamed Mursi) et la peur du terrorisme djihadiste ont justifié le retour à l’ordre, sous la forme d’Esebsi.

On constate ainsi, d’un côté, l’échec du projet des Frères Musulmans, qui ont essayé de combiner une politique économique néolibérale dessinée pour satisfaire les multinationales et la réforme démocratique sans rupture avec l’état dénommé profond, l’appareil répressif de la dictature. Après la répression féroce que ses alliés ont subie en Égypte, Ennahda a préféré laisser le pouvoir et chercher l’accord avec le gouvernement de Nidah, qui a déjà matérialisé, avant le deuxième tour des présidentielles, avec l’appui des islamistes aux budgets du nouveau gouvernement, qui prévoient plus de découpages et suivre en payant la dette de la dictature (que 18 % de la dépense emportera). Nidah se présente comme une formation laïque faite face à l’obscurantisme, mais au-delà du débat entre un laïcisme et un islamisme, les deux forces sont également réactionnaires par rapport à son projet social.

La gauche déjà joué aussi un rôle important dans le retour des « fulul », les restes du vieux régime. Ancré sur la théorie de la révolution par des étapes (d’abord la démocratie, après le socialisme) et avec une vision islamophobe, le Front Populaire – qui a obtenu un  5 % de votes dans les législatives et 15 députés, trois d’eux trotskistes de la Ligue de Gauche Ouvrière – a pointé tout son discours dans jeter Ennahda, et quelques secteurs ont défendu même entrer un gouvernement du vieux régime contre les islamistes.

La combinaison de l’islamisme apprivoisé et d’un régime ancien démocratisé pour freiner la révolution est la meilleure scène pour l’UE et les États-Unis. L’avance de la contre-révolution à la Syrie et à l’Égypte, le chaos à la Libye, la menace croissante djihadiste et la réconciliation entre le Qatar et l’Arabie Saoudite marquent un contexte régional compliqué que renforce le repli pacifique d’Ennahda, qui rend au vieux un régime le pouvoir qui lui avait livré la révolution et essaie de conserver sa portion démocratique.

Il commence maintenant un nouveau cycle, où il ne servira pas déjà l’option d’être en face laïques et islamistes, parce que tous seront dans le même côté de la barricade, avec le paiement de la dette et de l’impérialisme. Il y a quatre ans les peuples se sont spontanément levés et ont abouti à la rue en exigeant une dignité, un travail et la fin du régime. La gauche tunisienne est restée attrapée dans le vieux dilemme de dictature ou d’islamisme et a auto-écarté comme alternative.

Mais elle serait erroné conclure que tout est perdu. Trop de fois se ont considéré par les révolutions comme mortes dans le monde arabe. Même dans les plus difficiles conditions, comme celles de la Syrie ou l’Égypte, la lutte continue. La dictature ni l’islamisme peuvent donner de sortie les revendications des masses, qui se savent maintenant déjà capables d’abattre des tyrans. À la Tunisie, en octobre 2014 déjà les journées de grève s’étaient dépassées de 2011, l’année de la révolution. Mais faudra construire un homme politique référant capable de canaliser tant d’énergie versée dans trois ans de lutte.

Layla Nassar
Militante de Lutte l’Internationaliste  

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