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Le patronat algérien

by sur 21 juin 2013

Par Hocine Belalloufi

Algérie-Confluences du 20 juin 2013

Le patronat privé algérien est très actif et dynamique, mais il n’échappe pas à une caractéristique de la société algérienne : l’atomisation. De nombreuses organisations ont fleuri depuis une vingtaine d’années. Certaines ont disparu, d’autres ont émergé, nombre d’entre elles végètent. A l’instar des organisations syndicales de travailleurs, les organisations patronales ne parviennent pas à ce jour à dépasser le stade du morcellement. Les causes sont variées et diverses, mais semblent structurelles : divergences réelles, ambitions personnelles, divisions d’appareils, calculs politiques, interventions extérieures, régionalisme, faiblesse de la conscience de classe, absence d’appui politique…

Il s’avère par ailleurs particulièrement difficile d’apprécier le poids respectif des différentes organisations, la majorité d’entre elles n’effectuant que des apparitions épisodiques dans les médias et communiquant très peu directement. A deux exceptions près – Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) et Forum des chefs d’entreprises (FCE) – pratiquement aucune des organisations patronales nationales ne dispose de site internet régulièrement mis à jour. Peut-on en conclure que « loin des yeux, loin du fisc » tant on connaît l’importance et la prégnance du secteur informel sur l’économie privée et du phénomène de l’évasion fiscale ?

Une myriade d’associations diverses

Une rapide recherche sur le net permet d’entrevoir la diversité des organisations patronales formelles. Citons en vrac, l’Association des industriels du matériel électrique (AIMEL), le Club des entrepreneurs et des industriels de la Mitidja (CEIMI), l’Association professionnelle des Industriels de la vallée du M’zab (APIVM), l’Association des tanneurs et mégissiers d’Algérie (ATEMA), l’Association nationale des entrepreneurs dans les carrières et les mines (ANECAM), l’Association nationale des industriels de la céramique (ANICER), l’Union nationale des industries agro-alimentaires (UNIDA), l’Association algérienne des fonderies (AAF), l’Association régionale pour le développement de l’entreprise (ARDE), Algérien Business Forum (ABF), l’Association des fabricants de colle, peintures, vernis et encres (ACPVE), l’Union professionnelle des industries automobiles et mécaniques (UPIAM)…

Les principaux syndicats patronaux

A côté de ces organisations professionnelles ou régionales, existent des confédérations qui rassemblent des fédérations de secteurs ainsi que, parfois, des unions de wilaya. Elles sont généralement plus connues dans la mesure où elles participent aux tripartites avecle gouvernement et l’UGTA et aux bipartites avec le seul gouvernement. Ces organisations présentent un caractère syndical et possèdent une dimension nationale.

C’est le cas de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) présidée par Habib Yousfi. Il s’agit de la plus ancienne organisation patronale puisque sa création remonte à 1989. Viennent ensuite, dans le désordre, la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA) créée par Abdelkrim Hassani et dont le président actuel est Abdelaziz Mhenni, la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA) dont le président est Naït Abdelaziz Mohand Saïd, la Confédération algérienne du patronat (CAP) dont le président est Boualem M’rakeche et le Conseil supérieur du patronat algérien (CSPA) dont le président est Kahoul Saïd.

Le FCE, leader incontesté du patronat algérien

Présenté comme un Think tank (laboratoire d’idées) et non comme une organisation syndicale, le Forum des chefs d’entreprises (FCE) présidé par Réda Hamiani, s’est finalement imposé comme le leader incontesté du patronat algérien.

Créé en 2000, cette organisation atteindra le nombre de 82 membres en 2002. A la fin de l’année 2011, le FCE regroupait 499 entreprises couvrant 18 des 22 secteurs économique et représentant un chiffre d’affaires de 14 milliards de dollars. Cette organisation employait à cette même date 104 592 salariés permanents. Le FCE ne regroupe que quelques centaines d’entreprises, mais il s’agit des plus importantes sociétés qui peuvent corollairement appartenir à des associations syndicales. Son site est le plus actif de tous les sites patronaux. On y trouve nombre d’informations sur le profil des entreprises membres.

Cette force sociale fait du FCE le véritable représentant politique du patronat algérien. C’est en cette qualité et non en tant qu’organisation syndicale qu’il n’est pas, que le FCE participa pour la première fois à la tripartite de mai 2011, aux côtés des organisations syndicales patronales. Il s’agissait d’une sorte de réconciliation avec le gouvernement d’Ahmed Ouyahia qui avait donné l’ordre aux entreprises publiques de quitter le FCE une année auparavant. La réconciliation s’est encore approfondie avec l’arrivé aux affaires d’Abdelamalek Sellal qui autorise depuis novembre 2012 les entreprises publiques qui le désirent à rejoindre le FCE.

Un même discours et des nuances

Les organisations patronales développent pratiquement le même discours de défense de l’entreprise algérienne. Elles présentent un même cahier de doléances qui tourne autour de l’accès au crédit et au foncier industriel, à la baisse de l’IRG, à une plus grande flexibilité du code du travail, à un accès plus important aux marchés publics dont ils se disent écartés au profit des entreprises publiques et des sociétés étrangères qui bénéficient de contrats de gré à gré, la promotion d’un partenariat public-privé…

Des nuances, parfois importantes, apparaissent qui pourraient cristalliser, à terme, des fractions différentes au sein du patronat. C’est ainsi que les syndicats patronaux n’ont pas fait de la privatisation leur cheval de bataille principal et qu’ils ont parfois exprimé des réserves et des craintes concernant les accords passés par le gouvernement : Accord d’association avec l’UE, institution de la Zone arabe de libre échange (ZALE)… Certains ont exprimé leurs réticences par rapport aux négociations d’adhésion à l’OMC ou leur opposition à la loi Khelil sur les hydrocarbures… Ce fut notamment le cas d’Omar Ramdane, l’ancien président du FCE et de Mohand Saïd Naït Abdelaziz.

Le FCE en tant qu’organisation affiche en revanche des positions beaucoup plus néolibérales et de défense des entreprises, banques et autres sociétés étrangères. Après avoir échoué à faire plier le gouvernement sur la nouvelle règle de répartition du capital (51/49), il a tenté en novembre 2011 de l’amender. Partisan acharné des investissements directs étrangers (IDE) auxquels les entreprises étrangères préfèrent pourtant le commerce direct étranger (CDI) qui leur permet d’écouler leurs marchandises en Algérie pour l’équivalent de plus de 40 milliards de dollars, le FCE demande régulièrement au gouvernement de baisser la TVA comme dans le cas des « billettes » servant à produire du rond à béton ainsi que la réduction de 15% du taux de droits de douanes et l’aménagement des droits de douanes frappant les matières premières…

One Comment
  1. Omar la Gauche permalink

    « Le patronat privé algérien est très actif et dynamique, mais il n’échappe pas à une caractéristique de la société algérienne : l’atomisation. »
    J’allais dire : tant mieux s’il est atomisé et pourvu que cela dure ! Si de plus sa conscience de classe est faible les militants de gauche ne devraient pas trop s’en plaindre . Bien au contraire .

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