Aller au contenu principal

ALGÉRIE: LE GAZ DE SCHISTE ET L’ENJEU DU DÉVELOPPEMENT

by sur 26 janvier 2015
janvier 24, 2015  Par Nadir Djermoune.

Pour aborder sereinement la question liée à l’exploitation du gaz de schiste en Algérie, écartons de prime abord la question du complot qui revient d’une manière récurrente et à chaque manifestation. Car premièrement il y a autant de forces qui pourraient comploter « pour » ou « contre » cette exploitation au niveau interne comme au niveau externe. Deuxièmement, cette vision « complotiste » construit le nihilisme et n’aide pas à saisir les enjeux.

Car, il y a dans la question de l’exploitation du gaz du schiste un enjeu. Il y a la vision, qu’on peut nommer «développementiste », qui considère que le gaz de schiste est une opportunité historique qui s’offre à l’Algérie pour booster son développement et lui permettre d’émerger et de sortir du sous-développement endémique qui la caractérise. « Le gaz de schiste est une réelle chance pour l’Algérie », peut-on lire dans l’argumentaire des tenants de cette vision.«Avec des réserves estimées entre 20 000 milliards et 28 000 milliards de m3, l’Algérie pourrait être la troisième puissance mondiale en la matière ». L’Algérie aurait donc tout à gagner en maintenant ce projet qui couterait moins que le développement des énergies renouvelables. Il permettrait, selon toujours cette vision, la création de milliers de postes d’emploi permanents et n’engendrerait pas plus de danger que pour d’autres projets.

Les contradictions, notamment sur le plan écologique et environnemental sont, selon cette hypothèse de développement, insignifiantes et restent dans le même niveau que les dégâts environnementaux qu’engendre l’exploitation du gaz conventionnel. Les défenseurs de cette option citent l’exemple des états unis et du canada.

Les adversaires de cette option citent le refus de la France à l’exploitation du gaz sur son sol à cause des dégâts environnementaux. Ils oublient de dire, que la France continue de produire de l’énergie nécessaire à maintenir son niveau de développement économique et à maintenir son rang de puissance mondiale par l’exploitation du nucléaire. Ce qui est aussi dangereux pour la santé des humains et de l’environnement. Nous avons vu l’exemple du japon.

En réalité, au-delà de ce débat technique, la question est politique et même philosophique. Elle tourne autour du concept même du développement, ou plus exactement celui du progrès. Celui-ci a ses origines dans la fétichisation de la technologie qui a nourri chez les humains l’enthousiasme sur la possibilité que la science soit mise au service de transformations progressistes, une sorte de progrès techno-scientifique sans limites.

L’émergence de révolutions au 20°siècle dans des pays sous-développé, la Russie et la chine, l’indépendance d’un certains pays colonisés, dont l’Algérie, ont nourrit cette utopie de « rattraper » les pays développés. La combinaison des exigences de ce qui était appelé « rattrapage » et les possibilités nouvelles d’une politique centralisée à visée de transformation radicale ont fait le reste. Elle a permis, il est vrai, l’émergence de la Chine et de la Russie. Et l’Algérie doit-elle s’engager sur ce terrain en miroitant une hypothétique « émergence » ? Mais à quel prix !

« Ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature. Elle se venge sur nous de chacune d’elles. Chaque victoire a certes en premier lieu les conséquences que nous avons escomptées, mais, en second et en troisième lieu, elle a des effets tout différents, imprévus, qui ne détruisent que trop souvent ces premières conséquences. Les gens qui, en Mésopotamie, en Grèce, en Asie Mineure et autres lieux essartaient les forêts pour gagner de la terre arable, étaient loin de s’attendre à jeter par là les bases de l’actuelle désolation de ces pays, en détruisant avec les forêts les centres d’accumulation et de conservation de l’humidité. Sur le versant sud des Alpes, les montagnards italiens qui saccageaient les forêts de sapins, conservées avec tant de sollicitude sur le versant nord, n’avaient pas idée qu’ils sapaient par-là l’élevage de haute montagne sur leur territoire ; ils soupçonnaient moins encore que, par cette pratique, ils privaient d’eau leurs sources de montagne pendant la plus grande partie de l’année et que celles-ci, à la saison des pluies, allaient déverser sur la plaine des torrents d’autant plus furieux. Ceux qui répandirent la pomme de terre en Europe ne savaient pas qu’avec les tubercules farineux ils répandaient aussi la scrofulose. » Ces lignes écrites par le philosophe allemand F. Engels (La dialectique de la nature, Paris, Editions Sociales, 1968, pp. 180-181) au 19° siècle peut nous aider à réfléchir sur la question.

Voilà le véritable débat. Et il ne peut être tranché sans une participation active et transparente de tous les algériens. C’est le message des manifestations qui se déroulent dans un certain nombre de villes algériennes aujourd’hui qu’il faut soutenir.

From → Uncategorized

Laissez un commentaire

Laisser un commentaire